El-Khomri, la CFDT vous explique…

Après le recours du gouvernement au 49-3 pour faire adopter le projet de loi travail et bien que nous considérons que ce n’est pas une bonne méthode, la CFDT préfère s’attacher au contenu du texte qui intègre de nouveaux amendements (469) dont certains étaient des points clés pour la CFDT. Nous faisons donc le choix d’expliquer aux salariés les nouvelles dispositions du projet de loi pour ne pas nous contenter, comme d’autres, de crier « ça suffit » ou « tous dans la rue » sans avoir à préciser pourquoi. Et ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de dialogue politique en ce moment dans ce pays, qu’il ne doit pas y avoir de dialogue social en entreprise.

DECRYPTAGE DU PROJET EN L’ETAT ACTUEL (au 13 mai 2016) …

  1. Garantie jeune : Désormais, ce dispositif est généralisé aux 18-25 ans, des jeunes sans compétence ni expérience professionnelle qui entament leur carrière dans les pires conditions avec un risque de chômage durable. C’est une chance pour ceux qui ont décroché des études ou du monde du travail, une sorte de séance de rattrapage plutôt que de laisser s’enfermer dans la précarité. Ils bénéficieront d’un suivi régulier, se verront proposer une formation, un stage, voire un emploi. Durant ce temps ils percevront une aide de 461€ par mois.
  1. Heures supplémentaires : Toute heure travaillée au-delà des 35 heures hebdomadaires continuera à être mieux payées. La majoration reste de 25% pour le 8 premières heures et 50% pour les suivantes. Seul un accord majoritaire négocié avec les syndicats pourrait modifier ce bonus.
  1. Indemnité prudhommales : Aujourd’hui les juges des prud’hommes déterminent le montant des indemnités pour licenciement abusif au cas pas par cas, ce qui aboutit à des décisions très variables. Désormais ils disposeront d’un barème seulement à titre indicatif et non obligatoire comme le souhaitait le patronat.
  1. Règle majoritaire pour les accords : Aujourd’hui un accord d’entreprise est valide s’il est signé par des syndicats représentants au moins 30% des voix aux élections et s’il ne fait pas l’objet d’un droit d’opposition d’autres syndicats recueillant au moins 50%. Demain, pour être valide, il devra être signé par des syndicats représentant au moins 50% des suffrages. Toutefois, s’il n’atteint que 30%, les syndicats signataires pourront demander à l’employeur d’organiser une consultation des salariés sur cet accord d’entreprise. Si les salariés l’approuvent majoritairement, il sera alors validé.
  1. Compte Personnel d’Activité : Ce dispositif constitue un droit personnel et universel pour toute personne âgée d’au moins 16 ans occupant un emploi ou à la recherche d’un emploi, tout au long de sa vie professionnelle, dès 2017. Il sera constitué du compte personnel formation (CPF), du compte personnel de prévention de la pénibilité, du futur compte d’engagement citoyen et potentiellement du CET. Ainsi, en cas de changement d’emploi ou d’employeur, la personne conserve les droits qui lui sont rattachés jusqu’à sa retraite. Le CPA sécurise les parcours professionnels et ce, pour tout le monde. Le patronat avait réclamé le retrait de cette mesure. Il n’a pas été entendu.
  1. Surtaxation des CDD : Cette mesure n’a finalement pas été retenue dans cette loi mais est renvoyée à la négociation sur l’assurance-chômage qui est le bon lieu pour la traiter. La CFDT propose une cotisation dégressive en fonction de la durée du contrat de travail afin d’inciter les employeurs à avoir des comportements plus vertueux.
  1. Licenciement économique : Aujourd’hui, une entreprise peut déjà procéder à un licenciement économique pour cessation d’activité, mutation technologique voir réorganisation nécessaire à la sauvegarde de l’entreprise. Cette loi définit des critères plus précis en matière de difficultés économiques et de perte d’exploitation en fonction de sa taille. Pour éviter que les multinationales les moins délicates ne profitent de cette possibilité, une filiale française ne pourra pas être en difficulté si sa maison mère et le reste du Groupe se porte bien.
  1. Accord développement de l’emploi, hiérarchie des normes : C’est une nouveauté qui permet de négocier des accords au plus près des salariés concernés. Ces nouvelles règles sont censées être plus adaptées à la réalité du terrain donc plus souples et pragmatiques. Dans tous les cas la place du dialogue social est essentielle et rien ne pourra se faire en dehors d’une négociation avec les syndicats et un accord d’entreprise majoritaire au sens de la loi.

Le texte va maintenant poursuivre son parcours législatif. Le « temps du parlement » se poursuit donc…

Les opposants à cette loi, pourtant modifiée en profondeur, l’accusent d’être « libérale » et « pro-patronal ». D’autres opposants affirment exactement l’inverse : « anti-patronale » !

La CFDT vous invite à prendre connaissance des programmes des candidats aujourd’hui déclarés à l’élection présidentielle de 2017. Vous y trouverez probablement de quoi vous faire une idée plus personnelle de ce qui est libéral ou pas en matière de code du travail, des 35 heures, du recul de l’âge légal de la retraite, du CDI…

Espérons que tous les protagonistes, au moins au niveau syndical, mettront ce temps à profit pour expliquer les enjeux de cette loi.